dimanche 29 décembre 2013

Le Musée National de la Renaissance au château d'Ecouen (55k)

Ecole française, 2e moitié du XVIe siècle, Portrait d'un flûtiste borgne, 1566


Suite à ma visite de Goussainville, je décide aujourd'hui d'aller visiter le château d'Ecouen dans les environs de Domont, car il abrite le Musée National de la Renaissance. La visite commence par un aperçu des paysages champêtres du Val d'Oise dans les environs de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle...


... et se poursuit par une rapide éclair de la localité d'Ecouen, dont je remarque l'église Saint-Acceul (16e siècle).





Je me dirige par la suite en direction du château par un sentier escarpé. Le château Renaissance fut édifié pour le connétable Anne de Montmorency entre 1538 et 1553. Il abrite depuis 1977, pour faire suite à la volonté d'André Malraux, le Musée National de la Renaissance :










Esclave de Michel-Ange, moulage


Ma visite commencera par une visite-conférence  sur le thème des "Soins, toilette et représentation du corps", organisée autour de l'attention particulière d'Anne de Montmorency portée aux questions de l'hygiène et cela dès le 16e siècle.

Le château d'Ecouen est ainsi équipé d'un système avancé de collecte et de centralisation des eaux de pluie qui étaient amenées par une système d'aqueducs souterrains vers des thermes privées aménagées dans les sous-sols du château, munies d'un vestiaire mixte, de bains de vapeur destinés à favoriser la sudation et le rééquilibrage des humeurs du corps. Ces salles abritent aujourd'hui les têtes ornant dès son origine le Pont-Neuf, ainsi que des allégories représentant le fleuve de la Seine et la rivière de la Marne.





Ensuite, la visite sera consacrée aux salles principales du premier étage équipées de magnifiques cheminées dont les manteaux sont ornés de bas-reliefs, dont l'un représente Diane  et Actéon transformé en cerf.








Dans ses Métamorphoses, Ovide fit le récit de l'histoire de la nymphe Daphné qui, pour fuir les ardeurs d'Apollon, fut par la volonté de son père métamorphosée en laurier. La statuette d'argent et de corail la présente comme pétrifiée, saisie dans l'instant même de sa métamorphose végétale. Il fallait tout le talent du grand orfèvre de Nuremberg, Wenzel Jamnitzer (1507-1585), pour donner corps à cette vision saisissante : la spendide branche de corail rouge semble envahir la tête et les bras de la nymphe (1570). [Trésor des collections du Musée National de la Renaissance]

Ma deuxième visite conférence est plus généralement consacrée aux collections abritées par le château, dont voici les traits saillants :

A) Arrêt dans la chapelle privée :
- Reproduction de La Cène de Léonard de Vinci, exécutée en 1506 ;
- Fresques des voûtes (blasons d'Anne et de son épouse, sculptures en bois peint des quatre pères de l'Eglise, dont celle de Saint-Jérôme) ;
- Retable.

Marco d'Oggiono (1470-1540), La Cène, d'après Léonard de Vinci, Milan, 1506






La conférencière s'arrête sur l'orgue positif (que l'on peut poser en différents endroits et qui est donc transportable) :


B) Salle d'armes
- Cheminée dont l'enduit est peint selon un style Renaissance (thème antique, composition géométrique, jeu sur les perspectives) ;
- Armure quasi-complète (à l'exception du pouce gauche) qui est l'occasion pour la conférencière de nous conter l'histoire horrifique de la mort d'Henri II, mortellement blessé en 1559 au cours d'un tournoi de chevalerie organisé aux environs de l'actuelle Place des Vosges, par un éclat de lance qui pénètre son oeil jusqu'au cerveau. L'agonie du roi durera une dizaine de jours, mais il finit par décéder des suites de ses blessures malgré l'intervention du chirurgien Ambroise Paré.


Nous nous arrêterons enfin devant une maquette réalisée par un MOF (Meilleur Ouvrier de France) du château d'Ecouen tel qu'il apparaissait avant que les révolutionnaires ne s'en emparent et ne le pillent.









Après un passage par le boutique dans laquelle j'achète quelques cartes postales censées illustrer l'esprit des lieux, je m'en retourne à Paris en passant par Domont, en hommage à notre cher David.


Rosso Fiorentino (1494-1540), Bacchus, Vénus et Cupidon, vers 1535

Hermann Posthumus, Le Dévouement de Marcus Curtius, vers 1540

Paolo Zacchia (vers 1519-après 1561), Portrait d'un joueur de viole, 1540-1550

Tiziano Vecellio, dit Titien (1488-1576), François Ier (1494-1547), roi de France








jeudi 26 décembre 2013

L'Innocente, Gabriele d'Annunzio, 1892


Aujourd'hui, nous nous pencherons sur L'Innocente, roman incandescent publié par Gabriele d'Annunzio (1863-1938) au tournant du siècle, en 1892. Cet auteur est une figure majeure de la littérature italienne de la fin 19e, début du 20e siècle. Il est généralement classé parmi les tenants de l'école décadente, en raison de sa figure de dandy fin de siècle offrant une peinture vivante des moeurs dissolues de la bourgeoisie de la fin du 19e siècle, à l'aube du Premier conflit mondial et de l'avènement du fascisme, mais il plonge également son inspiration parmi les romanciers réalistes français (Guy de Maupassant, Emile Zola, Gustave Flaubert) et russes (Dostoïevski).
L'Innocente (rendu en français par le titre L'Intrus) nous conte l'histoire d'un homme, Tullio Hermil, au tempérament passionné et exacerbé qui se livre tout entier au plaisir et à la volupté de relations extra-conjugales, avant de revenir vers sa femme, Giuliana, qu'il a un temps considérée comme sa soeur avant de tenter de la reconquérir... jusqu'à ce qu'il se rende compte de l'impureté de cette soeur qui, rejetée par son mari, est tombée dans les filets d'un romancier en vogue en la personne de Filippo d'Arborio, de qui elle attend un enfant.

Le coeur du roman est organisé autour de la grossesse de Giuliana qui plonge son mari dans les extrémités, si bien qu'il en conçoit une haine implacable envers l'intrus qui le mènera à le supprimer par exposition à l'air glacé de l'hiver alors que toute la maisonnée (la Badiola) est allée se recueillir à la messe de minuit, le laissant en tête-à-tête avec le petit Raimundo (Mundino). L'agonie de l'Innocent est l'occasion d'une scène climatique, alors que Mundino étouffe, levant ses petites mains bleuies et écartelées par l'asphyxie à chaque cuillérée d'éther que lui administre le médecin de famille afin de tenter de le ranimer, tandis que sa frontanelle se creuse démesurément, comme si l'enfant tentait d'inspirer l'air qui lui manque, y compris par cet orifice.

L'oeuvre de d'Annunzio est remarquable en ce qu'elle nous mène au  coeur des émotions de Tullio, à mesure que sa haine envers l'intrus grandit, ne lui laissant aucun répit, d'autant qu'il est obligé d'assumer extérieurement la paternité de l'enfant, ce qui l'amène à mimer, à grand-peine, les sentiments de tendresse qu'il est censé éprouver pour le nouveau né. On voit alors cet homme emporté par des sentiments qu'il ne domine plus, et sa faiblesse d'homme sensuel et émotif apparaît de plus en plus clairement dans la description minutieuse de son impuissance à changer le cours des choses, notamment au moment de l'accouchement de Giuliana, dont il observe horrifié le déroulement, incapable de soulager les souffrances de sa femme.

Les larges emprunts de d'Annunzio à la littérature transalpine, notamment Une page d'amour d'E. Zola, lui vaudront des accusations de plagiat de la part de ses contemporains, de même que certaines ambiances fantastiques présentes dans le roman lui ont vraisemblablement été inspirées par ses lectures de G. de Maupassant. Le lyrisme précieux dont il fait preuve demeure néanmoins caractéristique d'un style flamboyant unique, notamment dans son utilisation des paysages ou des fleurs dont les caractéristiques (formes, luminosité, couleurs ou parfums) semblent refléter les différents états émotionnels par lesquels passe Tullio.


En 1976, Luchino Visconti adapte L'Innocente au cinéma, choisissant d'insister sur la sensualité et la brutalité de Tullio,  faisant évoluer ses personnages dans de luxueux intérieurs et salles de concert romains, avant de situer le noeud de l'histoire dans une villa splendide des environs de Lucques. On saluera le choix de son acteur principal en la personne de Giancarlo Giannini, qui campe un Tullio splendide, tour à tour infidèle, amoureux puis assassin, avec une élégance et un feu remarquables.






Film Still