Week-end tranquille, durant lequel je profite d'internet à nouveau disponible dans mon appartement, en surfant au hasard de mes centres d'intérêt qui me conduisent à revenir sur deux de mes films préférés, sortis tous les deux en 1994 et tous deux tournés en Australie, par des réalisateurs locaux. Il s'agit de Muriel's Wedding (P.J. Hogan) d'une part, et de Priscilla, folle du désert (Stephan Elliott) de l'autre.
Grande par la surface, modeste par la population, l'Australie fait figure de "tribu blanche" de l'Asie du Sud-Est. Une connaissance m'avait fait remarquer dans les années 1990 que ce pays comptait peu d'entreprises d'envergure mondiale, et que son économie restait très dépendante de l'exploitation minière.
Pour compenser ce manque relatif de visibilité, l'Australie joue sur tous les tableaux : en utilisant le hard power, elle tente de s'imposer sur la scène mondiale à coups d'interventions militaires spectaculaires, notamment au Moyen-Orient, ou encore en donnant vigoureusement de la voix dans d'autres affaires mondiales, comme récemment lors des crashes successifs de deux aéronefs de la Malaysia Airlines, que ce soit en Asie du Sud-Est ou au-dessus de l'Ukraine orientale. L'Australie est un pays du Commonwealth, et la manière dont son gouvernement met les pieds dans le plat (Daesh, Ukraine, Malaisie, etc.) s'inscrit dans le style incisif caractéristique de la diplomatie des pays anglo-saxons.
Au niveau culturel, l'Australie joue également habilement de son soft power pour promouvoir l'image d'un pays libre, où il fait bon vivre dans une atmosphère détendue et prospère. C'est ainsi que le cinéma australien a fait une percée spectaculaire dans les années 1990 avec Muriel et Priscilla. P.J. Hogan a su toucher de nombreux spectateurs à travers le monde en dressant le portrait d'une jeune fille issue d'une famille dysfonctionnelle de la classe moyenne d'une petite ville de province, systématiquement dénigrée et rabaissée par les siens, mais qui néanmoins choisit de relever la tête en partant faire sa vie à Sydney envers et contre tout. Là, elle veut vivre une vive de rêve, du moins en apparence, en faisant un mariage de complaisance avec un beau nageur sud-africain afrikaner de haut niveau : elle lui donne les papiers pour qu'il puisse continuer de concourir au plus haut niveau ; il lui donne le vernis de réussite dont elle a besoin pour prendre sa revanche.
Tony Collette est particulièrement touchante lorsqu'elle répond à son nouveau mari, alors qu'il lui expose les raisons de sa motivation : "Moi aussi, je suis une gagnante". Finalement, Muriel, qui s'est rebaptisée Mariel pour tenter d'oublier son passé de souffre-douleur, apprendra à s'accepter, en rejetant la vie parfaite mais artificielle qu'elle se sera créée.
Tony Collette est particulièrement touchante lorsqu'elle répond à son nouveau mari, alors qu'il lui expose les raisons de sa motivation : "Moi aussi, je suis une gagnante". Finalement, Muriel, qui s'est rebaptisée Mariel pour tenter d'oublier son passé de souffre-douleur, apprendra à s'accepter, en rejetant la vie parfaite mais artificielle qu'elle se sera créée.
Dans un autre genre, tout aussi pop, l'intérêt de Priscilla, folle du désert provient de la confrontation entre l'Australie profonde des rednecks et des aborigènes, et l'Australie "lancée" des drag queens de Sydney. L'incompréhension mutuelle, la provocation de part et d'autre font rapidement place à la curiosité puis à l'acceptation de mondes qui s'ignorent habituellement. On est tour à tour admiratifs vis-à-vis du courage des drag queens qui n'hésitent pas à se montrer telles qu'elles sont, même dans les endroits les plus incongrus (villes minières, etc.), puis touchés par la sensibilité qui poind derrière leurs airs bravaches. Finalement, elles forcent le respect des personnages variés qu'elles sont amenées à rencontrer.
Aujourd'hui, le flambeau du soft power australien est repris par la web série The Horizon, sorte de Friends gay qui raconte les aventures de colocataires dont la vie orbite autour de Wylma, une drag queen du quartier LGBT de Sydney, The Oxford. Cette série aux personnages attachants dynamite le business model des productions audiovisuelles habituelles -- elle est disponible gratuitement sur YouTube et ne bénéficie que de financements modestes provenant de sponsors privés (marques de vêtements australiennes) et publics (Aids Council of New South Wales), en échange de quoi la série promeut activement le port du préservatif, les comportements sexuels responsables et l'acceptation des personnes séropositives. Malgré des sources de financement restreintes, la quatrième saison de la série est sortie en 2014 (une dizaine d'épisodes de dix minutes chacun à chaque saison). Elle remporte un large succès d'audience domestique mais également international (Etats-Unis, Royaume-Uni) et a même réussi à attirer l'attention d'Hollywood qui souhaite industrialiser le concept en le transplantant aux Etats-Unis. Un bel exemple d'entêtement créatif artisanal qui aboutit finalement à un succès mondial -- les premiers épisodes étaient sortis en 2009.
Aujourd'hui, le flambeau du soft power australien est repris par la web série The Horizon, sorte de Friends gay qui raconte les aventures de colocataires dont la vie orbite autour de Wylma, une drag queen du quartier LGBT de Sydney, The Oxford. Cette série aux personnages attachants dynamite le business model des productions audiovisuelles habituelles -- elle est disponible gratuitement sur YouTube et ne bénéficie que de financements modestes provenant de sponsors privés (marques de vêtements australiennes) et publics (Aids Council of New South Wales), en échange de quoi la série promeut activement le port du préservatif, les comportements sexuels responsables et l'acceptation des personnes séropositives. Malgré des sources de financement restreintes, la quatrième saison de la série est sortie en 2014 (une dizaine d'épisodes de dix minutes chacun à chaque saison). Elle remporte un large succès d'audience domestique mais également international (Etats-Unis, Royaume-Uni) et a même réussi à attirer l'attention d'Hollywood qui souhaite industrialiser le concept en le transplantant aux Etats-Unis. Un bel exemple d'entêtement créatif artisanal qui aboutit finalement à un succès mondial -- les premiers épisodes étaient sortis en 2009.
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