vendredi 27 mars 2015

Les Bas-fonds du Baroque

Cela fait un certain temps que j'ai envie d'aller voir l'exposition consacrée aux bas-fonds du baroque, censée nous montrer l'envers du décor des canons de la peinture classique inspirée par les idéaux antiques célébrés par les peintres de la Renaissance.

Là, nous suivons une bande de peintres italiens et étrangers, installés dans la Rome du 17e siècle, dans leurs libations et autres évènements qui marquent leur style de vie bohème, ce qui les amène à vivre au contact du monde interlope qu'ils décrivent sur leurs toiles : voleurs, bandits de grand chemin, courtisanes, sorcières, diseuses de bonne aventure, invertis, ou mendiants, en bref, tout le petit peuple qui fréquente le monde des tavernes. Tous y sont décrits avec un sens aigu du réalisme, ce qui amène les peintres à faire un pied de nez à certaines convenances artistiques (scènes de défécation, de beuverie, de vols avec violence, etc.). Leurs provocations sont néanmoins tempérées par la splendeur des ruines antiques de la ville éternelle qui offrent un écrin dramatique aux scènes quotidiennes ayant cours aux pieds des palais.

[Les commentaires qui accompagnent les œuvres sont transposés des cartons de l'exposition même.]



Galerie sud du Grand Palais, entre mosaïques au sol, peintures au plafond, grandes fenêtres traversantes, un concentré de la grandeur du Second Empire 

Le Faune Barberini : découvert vers 1625 durant les travaux de fortification du château Saint-Ange menés à l'instigation du pape Urbain VIII sur l'ancien mausolée de l'empereur Hadrien, l'original en marbre de cette statue demeura dans sa famille, au palais Barberini, jusqu'à la fin du 18e siècle (avant de rejoindre la glyptothèque de Münich).

Ses oreilles pointues, sa queue et la peau de panthère y font reconnaître un faune. Si sa posture nonchalante varia au gré des restaurations, le marbre acquit aussitôt une grande renommée parmi les antiques de Rome en raison de son caractère exceptionnel, bien qu'éloigné des préceptes du classicisme.



Le Torse du Belvédère (reproduction de 1902 en plâtre) : Ornement du Belvédère du Vatican depuis le début du 16e siècle, le modèle en marbre du Torse, signé par Apollonios d'Athènes, ne fut jamais restauré ni complété avec des membres modernes comme cela se pratiquait d'ordinaire. Sa puissance fascina les artistes, à commencer dit-on par Michel-Ange, et l'on en trouve des versions en plâtre comme celle-ci dans les principales académies, ce qui en suscita d'innombrables représentations dessinées et gravées. Son caractère fragmentaire joua incontestablement un grand rôle dans le goût pour l'inachèvement dans la sculpture occidentale.


Bartolomeo Manfredi, Bacchus et un buveur (vers 1621-1622)
Manfredi joue ici sur la réalité et fiction. Bacchus, hilare et vulgaire, enseigne le goût de l'ivresse à un buveur assoiffé, issu du quotidien du peintre, vêtu d'un costume de l'époque

Pietro Paolini (Lucques, 1603-1681) - Les Tricheurs, vers 1625
Tel le fils prodige, un jeune élégant, emporté par son goût du jeu, est la proie d'escrocs experts, le joueur torve, son associé musicien et une désuidante courtisane. Avec impudence, ils manipulent, trichent et volent, sous nos yeux. Mais sommes-nous témoins ou complices ? Le jeune serveur à l'étrange visage abstrait, semble nous interroger.

Giovanni Lanfranco (Parme, 1582 - Rome, 1647)
Jeune homme nu au chat, vers 1620-1622
Cette étonnante "Vénus masculine", qui met en scène, au coeur du 17e siècle, une sexualité illicite, était accrochée, en 1677, aux cimaises du palais romain de la reine Christine de Suède ! La draperie du premier plan évoque le rideau qui devait alors recouvrir ce tableau sulfureux, qu'on ne dévoilait qu'à des invités choisis. Il appartint au 18e siècle au régent, le duc d'Orléans.

Jan Both (Utrecht, vers 1618 - 1652)
Fête et rixe aux abords de l'ambassade d'Espagne, 1637 - 1638
Le tableau évoque un fait divers réel : les festivités organisées en 1637 par l'ambassadeur d'Espagne à Rome, piazza di Spagna, en l'honneur de l'élection de l'empereur Ferdinand III de Habsbourg. Cependant, Both ne relate pas la cérémonie officielle ou les feux d'artifices, mais le moment où la fête dégénère.

Jan Miel (Beveren-Waes, 1599 - Turin, 1664)
Scène de bigandage dans la campagne romaine, vers 1745-1650
Dans un magnifique paysage qui chante la beauté de la campagne romaine, prend place une scène de brigandage d'une extrême violence. L'artiste joue à dessein de ce contraste saisissant entre une nature idéale et la folie humaine, tout en évoquant une réalité quotidienne de la Rome du 17e siècle.

Claude Gellée, dit Le Lorrain
(Chamagne, Vosges, vers 1604-1605 - Rome, 1682)
Dans la lumière rose d'une fin de journée romaine, se dresse la silhouette de l'église de la Trinité-des-Monts. Avec les délicates frondaisons qui se dessinent sur l'horizon, le Lorrain nous distrait de l'épisode du premier plan : plongée dans la pénombre, se déroule sous nos yeux une scène de prostitution explicite entre l'entremetteuse, les clients et de très jeunes filles de joie.

Les Lutteurs
Plâtre, tirage probablement réalisé en 1827,
d'après une réplique romaine en marbre du 1er siècle après JC d'un original grec du 3e siècle avant JC.
Découvert en 1583 près de la porte Saint-Jean à Rome, le groupe des Lutteurs fut aussitôt acquis par le cardinal Ferdinand de Médicis. Il orna la Villa Médicis jusqu'en 1677, date de son transfert à Florence où ce marbre devint l'un des ornements majeurs de la Tribune des Offices. Le groupe fut très vite célèbre et Philippe IV d'Espagne comme Louis XIV en commandèrent des copies.



Hermès à la sandale dit Cincinnatus
Plâtre, tirage ralisé entre 1795 et 1822, d'après un marbre romain d'époque impériale.
Le modèle en marbre de cet antique célèbre, aujourd'hui conservé au Louvre, était visible dans la villa Peretti-Montalto (plus tard Negroni) à Rome depuis la fin du 16e siècle jusqu'à son achat par Louis XIV, en 1685, qui le plaça à Versailles. Le soc de charrue ajouté au cours d'une première restauration lui valut d'être identifié avec le général Cincinnatus, vertueux consul retiré sur ses terres avant d'être rappelé au pouvoir par les sénateurs romains. De grands modèles en plâtre comme celui-ci contribuèrent à la notoriété de cette figure, auprès des artistes dans l'Europe des académies.


   

Gerrit van Honthorst (Utrecht 1590-1656)
Concert avec trois musiciens, vers 1616-1618)
Peint alors qu'Honthorst séjourne chez le marquis Giustiniani, l'un des plus importans collectionneurs romains et un gran mélomane, ce concert "à la chandelle" est à l'image du goût raffiné de l'amateur : le duo, délicatement accordé, déchiffre une partition, accompagné par un joueur de luth, qui a délaissé sa guitare (un instrument plus familier des tavernes que des intérieurs de l'aristocratie). La musique est ici symbole d'harmonie.


Michael Sweerts (Bruxelles, 1618 - Goa, 1664)
Vieille femme filant, 1646-1647
C'est avec délicatesse et retenue que Sweerts dépeint le monde des humbles. Il brosse icile portrait d'une vieille fileuse absorbée par sa tâche dans un intérieur dépouillé. Le peintre ne nous dit rien de plus en nous laissant méditersur cette icône du quotidien.

Nicolas Tournier (Montbelliard, 1590 - Toulouse, 1639)
Jeune homme à la fiasque, avant 1620
Plus que l'image d'un joyeux pilier de taverne, ce jeune buveur qui détourne le regard, semble incarner le pouvoir d'introspection et la recherche de connaissance exprimés dans l'antique dicton, In vino veritas. C'est le même modèle que sollicitera à nouveau Tournier pour figurer dans son Concert un jeune luthiste rêveur.

Anonyme italien
Mendiant au cistre
Ce portrait est extraordinaire à tous égards : par son format monumental, la qualité de son rendu, son sujet, un gueux en haillons, et enfin le cistre, un instrument de musique particulièrement prisé au 17e siècle, que personne à l'époque n'aurait associé à un mendiant. Peut-être évoque-t-il alors la figure du gueux philosophe.

Jusepe de Ribera (Xàvita, 1591 - Naples, 1652)
Mendiant, vers 1612
Avec maestria et une sensibilité à fleur de peau, Ribera, le grand peintre caravagesque espagnol, brosse ici un extraordinaire portrait : non pas celui d'un cardinal ou d'un apôtre, mais celui d'un simple mendiant en haillons, qui tend timidement son chapeau pour faire l'aumône. C'est à nous, spectateur, que le pauvre homme s'adresse. 

Théodoor Rombouts (Anvers, 1597-1637)
Rixe entre joueurs, vers 1620-1630
Dans la pénombre d'une taverne, lieu de plaisir et de vice, un élégant jeune homme cède à la violence face au joueur qui l'as sans doute dupé. Au-delà de la mise en scène théâtrale de la colère (l'un des sept péchés capitaux), cette évocation du quotidien des bas-fonds romains dénonce les conséquences dangereuses du jeu.

Maître des Joueurs, actif dans le premier quart du 17e siècle
Buveur ou Allégorie du Goût, vers 1610-1620
Suivant les modèles de Ribera, le Maître des joueurs interprète l'allégorie des cinq sens dans l'univers trivial du qotidien. Car ce buveur enthousiaste prend la pose devant les restes d'un repas frugal pour personnifier le Goût. Il tient d'une main ferme sa fisque de vin et de l'autre son verre. Le portrait, d'une grande acuité, allie ici à la crudité, une pointe d'ironie.



Michael Sweerts (Bruxelles, 1618 - Goa, 1664)
Lutteurs romains, vers 1648-1650
Sweerts représente ici un tournoi de lutte supervisé par un jury, dans une rue sombre de Rome. Il insiste sur les gestes de frayeur et plonge la scène dans l'obscurité, afin d'évoquer la tension dramatique d'une rixe. Mais il s'inspire aussi de la pose du groupe antique des Lutteurs, découvert alors depuis peu (voir plus haut).

A la sortie de l'exposition Les Bas-fonds du Baroque, du haut de l'escalier menant à l'entrée d'honneur du Petit Palais, brillent les décorations animées projetées sur la façade du Grand Palais à l'occasion de la Paris Art Fair.

lundi 23 mars 2015

Paris of the North

Titre original : Paris nordursins ; 2014 ; sortie française mars 2015 ; réalisé par Hafsteinn Gunnar Sigurdsson ; avec Björn Thors (Hugi) ; Helgi Björnsson (Velgar) ; Nanna Kristin Magnusdottir (Erna)

Hugi, 37 ans, est remplaçant dans l'école d'un petit village islandais perdu au milieu de nulle part.

Il assiste régulièrement aux réunions de la branche locale des Alcooliques Anonymes (bien que l'anonymat soit difficile à conserver dans un village de 150 habitants où l'on croise les mêmes têtes, où que l'on aille). Hugi apprend également le portugais sur internet afin de rester en contact avec son ex-petite amie (c'est d'ailleurs dans cette langue qu'il apprendra que cette dernière a désormais un nouveau petit ami portugais, par le biais de ce dernier). Il réalise ainsi qu'il sacrifie sa relation actuelle avec Erna pour une histoire passée sans espoir de retour, et c'est ce qui le poussera à laisser Erna sortir avec son père qui, en proie à des difficultés matérielles après un long séjour en Thailande, lui rend visite et bouscule toutes les petites habitudes (le jogging, les réunions avec les AA, la télévision, les sorties au bar avec ses relations des AA, les cours à ses élèves), qu'il a érigées en autant de remparts contre la dépression qui le guette et dont il a déjà souffert à Reykjavik, avant qu'il ne trouve refuge dans le village dans lequel se situe l'intrigue du film.

Le film est ainsi une longue méditation sur les relations humaines, vues pour l'essentiel à travers le regard de Hugi, qui tente désespérément de trouver sa place dans cette micro-société, sans vraiment y parvenir. C'est ainsi qu'il décide de plier bagage à la fin du film, choisissant de faire face en allant tenter sa chance dans le vaste monde : retournera-t-il dans la grande ville, ira-t-il à l'étranger, saisira-t-il les chances qui lui tendent les bras, en tout cas, sa décision est prise et il est prêt à affronter sa vie à bras le corps. Contrebalançant la fébrilité des personnages qui semblent tous être à la poursuite d'un idéal qu'ils ne peuvent pas atteindre, la montagne Thorfinnur (sorte de Table Mountain grise de roches volcaniques) qui surplombe le village et le film du même coup semble observer impassiblement toute cette agitation sans en être le moins du monde affectée, en en soulignant l'insignifiance même, appelant les petits humains à s'inspirer de son calme et de sa sérénité afin de conduire leur vie d'une main plus ferme...

Ce que j'ai préféré dans le film : les scènes d'ouverture et de fermeture. En effet, le film s'ouvre sur un long plan séquence durant lequel nous suivons Hugi dans une de ses séances de jogging qui l'emmènent dans tous les coins du village, en passant devant ses voisins qui l'observent d'un oeil goguenard et l'interpellent, ne comprenant pas ce qui le pousse à courir ainsi. Le plan aérien de la fin nous donne l'occasion d'un long plan d'ensemble ascensionnel sur la montage Thorfinnur, que nous avons eu l'occasion d'apercevoir à partir de la base à de nombreuses reprises dans le reste du film. La scène durant laquelle Hugi se prend une énorme cuite dans la salle de gym de son école est amusante et apporte une touche d'humour à un film autrement austère. Une mention spéciale au chien amené par le père de Hugi qui, à l'image de la montagne, observe d'un oeil impassible la veine agitation des autres personnages du film.





Hafsteinn Gunnar Sigurdsson, venu défendre son film lors de l'avant-première organisée au cinéma Le Lincoln


Bande annonce de Paris of the North




dimanche 15 mars 2015

Versailles et ses ors

Je rends une seconde visite à Versailles depuis mon installation à Châtillon en 2010, en ce dimanche 15 mars 2015, car j'ai l'intention d'aller me promener dans le Parc du château, en admirant le château à distance car la foule des touristes fait barrage à ma visite improvisée.

Je traverse la forêt de Meudon et débouche sur Versailles par l'avenue de Paris, large et majestueuse. A mesure que je m'approche du château, l'aspect solennel de la ville s'accroît, augmenté encore par l'aspect rangé de la petite la foule que je croise au sortir de la chapelle Notre-Dame des Armées.

Compte tenu de la foule des visiteurs, je décide de contourner le château : je m'arrête néanmoins devant les écuries royales, grandioses, où un spectacle conçu par Bartabas est donné tous les week-ends, autour de La Voie de l'écuyer.

Après m'être restauré/reposé dans une pizzeria accueillante, je me mets à la recherche d'un point d'accès au Parc, que je finis par bientôt découvrir en suivant le boulevard de la Reine, dont on aperçoit les moutons de la bergerie, au loin. Je me dirige alors en direction du Grand Trianon, devant lequel je m'arrête quelques instants pour le prendre en photo et l'admirer, avant de me diriger, sur instruction de mon GPS, vers le Grand Canal.

Je longe un temps les bassins du Grand Canal avant de quitter le domaine du château par la Grille Royale qui me mène sur la rue du Dr Vaillant (D7), qui longea le château. De là, j'emprunte le même itinéraire de retour en direction de Châtillon.