jeudi 28 novembre 2013

Pasolini Roma (1922-1975)

L'exposition que la Cinémathèque française consacre au maître italien nous donne l'occasion de nous plonger dans l'oeuvre et la vie de Pier Paolo Pasolini, l'un des personnages de premier plan de la vie culturelle italienne de l'après-guerre jusqu'au milieu des années 1970, à la fois sur les plans littéraire, cinématographique et plastique.

Nous rejoignons Pasolini et sa mère en 1950 à la station Termini de Rome, où ils débarquent tout juste du Frioul. Pasolini est déshonoré et au chômage, car il a été surpris en flagrant délit de conduite indécente. Il trouve un poste d'enseignant assorti d'un maigre salaire leur permettant tout juste de survivre.  Pour autant, Pasolini ne renonce pas à l'écriture et c'est dans une masure misérable sise dans un quartier défavorisé de la capitale qu'il compose le roman qui le révèlera, Ragazzi di vita, publié en 1955.

La reconnaissance de son talent lui ouvre de nouvelles perspectives. Il quitte l'enseignement, travaille pour le cinéma : les plus grands réalisateurs tels que Fellini ou Bolognini lui commandent des scènes qui seront incorporées dans des films tels que la Dolce Vita, où il est question de prostituées et de voyous, monde interlope que Pasolini a décrit dans Ragazzi avec une vérité, une force et une émotion inégalées jusqu'alors (voir la scène finale, déchirante, du jeune Genesio en train de se noyer emporté par le courant vers le pont de la Tiburtina, sous le regard de ses petits frères), faisant entrer le dialecte "romanesco" parlé par les voyous et les gens misérables des quartiers populaires dans la littérature.

A partir de  1961, Pasolini devient réalisateur de cinéma à part entière, avec des oeuvres s'inscrivant dans la veine du néo-réalisme (Il reste fasciné par Rome ville ouverte de Roberto Rossellini sorti en 1945) qui traduisent en images l'univers des déclassés qu'il avait d'abord abordé par les livres : c'est le cas notamment d'Accattone (1961) ou encore de Mamma Roma (1962, histoire de cette mère, interprétée par Anna Magnani, qui renonce à la prostitution pour se consacrer à l'éducation de son fils, avant d'y retomber à nouveau pour offrir à son fils la moto de ses rêves, ce qui n'empêchera pas le rejeton de "mal tourner" et de disparaître tragiquement, plongeant sa mère dans le désespoir).

Cependant, Pasolini ne se limite pas à ces vibrants hommages néo-réalistes. Il réalise aussi des films empreints d'un mysticisme chrétien, à l'image de L'Evangile selon Matthieu (1964) où il fait interpréter les apôtres du Christ par ces garçons des rues qu'il affectionne tant (Grand Prix de l'Office catholique du cinéma au festival de Venise de 1964), ou de Théorème (1968), sorte de fable qui nous conte la rédemption d'une famille de la grande bourgeoisie industrielle milanaise dont les membres se révèlent à eux-mêmes et sortent de leur déterminisme de classe suite à leur rencontre avec un beau jeune homme christique qui les séduit tour à tour.

Il s'intéresse également aux tragédies de l'Antiquité grecque, en réalisant Oedipe roi d'après Sophocle (1967) ou encore Médée d'après Euripide (1969, avec Maria Callas), introduisant là encore des éléments d'hétérodoxie dans le répertoire (tournages dans des localités troglodytes d'Afrique du nord, scènes "primitives"  montrant des sacrifices humains, recours à des mélopées issues des  traditions musicales japonaise, africaine pour la bande-son, travail surprenant sur les costumes de scène qui donnent aux personnages un aspect à la fois primitif et futuriste, etc.).

L'histoire retiendra surtout son oeuvre la plus scandaleuse, à savoir Salo ou les 120 jours de Sodome, sorti en salles la veille de sa disparition dans des circonstances tragiques.

A noter, la Supplique à la mère, un de ses magnifiques poèmes de 1964, qui semble résumer à lui seul le secret de ses relations avec les femmes (Laura Betti), avec les hommes (notamment son amour Ninetto Davoli, un jeune apprenti menuisier), de même que ses conceptions politiques radicales. De cette exposition ressort le portrait d'un homme empli de compassion et de tendresse, malgré le feu et les emportements de la passion. Une figure fascinante et inspirante...








 

dimanche 24 novembre 2013

Le Printemps de la Renaissance, La sculpture et les arts à Florence 1400-1460

Le lendemain du concert de musique en provenance de la Nouvelle-Orléans, nous décidons de prendre un bain de culture italienne, époque Quattrocento, en allant visiter l'exposition du Louvre consacrée au "Printemps de la Renaissance - La sculpture et les arts à Florence de 1400 à 1460".

Pour cela, il nous faut nous enfoncer dans les entrailles de la pyramide de verre, par des escalators qui se transforment en machines à remonter le temps et à se télétransporter vers la toscane des Médicis.






Donatello (1386-1466), Spiritello de la cantoria de Santa Maria del Fiore (1439)


L'intérêt de l'exposition provient du fait qu'elle promène le visiteur dans la Toscane de la première moitié du 15e siècle, époque charnière s'il en est puisqu'elle ouvre une période d'innovations sans précédent dans le domaine des arts, des sciences et des lettres. Notons toutefois que c'est la sculpture qui ouvre la voie en tant que première interprète du nouveau style.

C'est en effet dans la sculpture que l'on peut le mieux voir i) le détachement progressif des artistes de la Renaissance vis-à-vis des canons esthétiques du gothique médiéval flamboyant / finissant ; ii) la référence appuyée à ceux de l'Antiquité, notamment par le renouveau des statues équestres et aussi les buste-portrait dits florentins ; iii) l'immixtion d'une imagerie chrétienne qui vient se susbstituer aux thèmes traditionnels de la sculpture antique, comme dans le cas de la Vierge et l'enfant dans la production des bas-reliefs ou encore le recyclage des images antiques du dieu Amour en petits angelots jouflus et dissipés, aussi appelés spiritelli ou puti.

Donatello (1386-1466), Tête de cheval, dite Protomé Carafa (vers 1455)


Donatello (1386-1466), La Vierge et l'Enfant (Madone Pazzi) (vers 1420-1425)




Mino da Fiesole (1429-1484), Jean de Médicis (Giovanni de Medici, vers 1454)


Cette exposition est un grand succès, elle aide à la formation des goûts esthétiques du visiteur, tout en lui offrant un aperçu historique sur l'une des périodes les plus fastes de l'histoire européenne. En outre, elle donne envie d'aller constater de visu et sur place les beautés tant vantées de Florence. Les conditions pratiques étaient quasi-optimales, en raison du nombre restreint de visiteurs qu'elle accueillait en ce dimanche.








Nous sortons du Louvre satisfaits, et nous dirigeons vers la rue Sainte-Anne où nous irons manger les lamen du restaurant Higuma, avant de rentrer à Châtillon préparer le retour des parents à Reims, après une journée dense et fort agréable.

samedi 23 novembre 2013

A l'écoute de l'homme loup au Méridien (Walter Wolfman Washington and the Roadmasters)

Après une permanence secrétariale "blindée", je me dirige vers la Porte de Maillot pour me restaurer et y rencontrer mes parents et mon frère. En effet, ce soir nous irons au Méridien, enfin, un peu plus loin en fait, à la Nouvelle-Orléans puisque nous irons écouter Walter Wolfman Washington et son groupe les Roadmasters jouer leur blues jusqu'au bout de la nuit...


 
 


 
Bernard Ziel nous livre ses impressions de cette soirée :

"Le samedi 23 novembre, la scène du jazz club Lionel Hampton recevait Walter "Wolfman" Washington, l'un des hommes loups du blues, moins réputé, certes, que "Howling Wolf", mais vivant et toujours gaillard. Il a de beaux états de service, notamment comme accompagnateur de feu Johnny Adams, magnifique chanteur disparu depuis quelques années.

Après avoir déambulé dans la salle dans un étincelant costume rouge, le fringant septuagénaire monte sur scène et commence par jouer de la guitare pendant plusieurs morceaux, mais plus la soirée avance, plus il chante. En tant que guitariste, on constate qu'il a sûrement écouté beaucoup de jazz, en particulier Wes Montgomery à qui il fait penser en jouant souvent en accords (mais au médiator, pas avec le pouce). Le chanteur emprunte les moments de tension au gospel, parfois il chante des mélodies sur tempo assez lent. Sa musique est très différente du blues de Chicago, sous l'influence de sa New-Orleans natale et de l'adjonction fréquente d'un climat "funky". Son orchestre est très soudé (avec trompette, saxophone ténor, basse et batterie) et le suit au millimètre. On peut remarquer quelques emprunts au répertoire du regretté Bobby "Blue" Bland qui a disparu cet été (You Are The One That I Adore, par exemple).

Au 3ème set, le "bluesman touareg" Amar Sundy est venu jammer sur un morceau mais on sentait qu'une formation aussi soudée reçoit laborieusement un corps étranger. Enfin, une soirée bluesy avec un Loup et un Touareg, ce n'est quand même pas banal !"



 

dimanche 17 novembre 2013

Les couleurs de l'automne à Verrières


Passage par le rue Béranger à Châtillon, et la Maison de la petite enfance, qui décline le street art dans une version "fresque de la petite enfance" : 



Puis je retourne à droite et m'engage dans la rue du Moulin de la Pierre, aboutissant dans la forêt de Meudon, dont je traverse une section avant de déboucher sur Meudon-la-Forêt, Clamart et c'est le début de la forêt de Verrières. Des messieurs seuls dont on peut deviner qu'ils recherchent un peu de compagnie par ce froid dimanche automnal, laissent progressivement la place à des familles en promenade dominicale sur la route forestière d'Igny :




Puis c'est le retour par la coulée verte du sud parisien que je retrouve au niveau de Verrières-le-Buisson, après être passé devant la Batterie des Gâtines. A mon retour, je m'aperçois que la civilisation des loisirs bat son plein, entre les uns qui jouent de la cornemuse dans l'école de la rue Henri Gatinot (Châtillon), tandis que les autres pratiquent les arts martiaux dans le gymnase qui lui fait face.


 
 


 

lundi 11 novembre 2013

Parc de Saint-Cloud - Marnes-la-Coquette - Centre équestre du Jardy - Etangs de Ville-d'Avray - retour par Issy

Nous commençons cette balade en admirant les fresques de style streeet art se déployant rue de Percy à Issy, près de l'Hôpital militaire Percy :







Nous abordons le Parc de Saint-Cloud par la Grille du Mail, au sud-est du parc, avant de nous diriger vers la manufacture de Sèvres puis la caserne et la grille d'honneur au nord, en suivant le Quai du Maréchal Juin :



Vue sur la Grande Cascade

 
A l'arrière-plan, on peut apercevoir l'usine L.M.T. située au bord de la Seine, en face de ce qui fut le château de Saint-Cloud. Il s'agit d'un palais dédié à l'industrie élevé en 1925 par la société Le Matériel Téléphonique, qui inventa le téléphone à cadran "Rotary" et équipa la tour Eiffel de son premier émetteur. Typique de l'architecture fordienne et symbole de l'histoire industrielle de Boulogne, le bâtiment est loué au tournant du siècle par la chaîne Syfy, réhabilité en 2012 pour fournir 30 000 m² de bureaux. Les coupoles de tuiles sont transformées en verre. [Source : Wikipedia au 5 décembre 2012] 



Le cimetière fleuri de Marnes-la-Coquette, en ce début novembre


Centre équestre des haras de Jardy

Le Vieil Etang de Ville-d'Avray


dimanche 10 novembre 2013

Chez le surintendant Fouquet, en son château de Vaux-le-Vicomte

Samedi 9 novembre, il pleut sans arrêt à tel point que je suis obligé de rebrousser chemin, ne parvenant pas à dépasser Choisy-le-Roi car le rideau de pluie est si épais que plusieurs heures passées à l'extérieur vous envoient le moral "dans les chaussettes". Néanmoins, j'ai parcouru quelques kilomètres de la piste cyclable qui longe la Seine depuis Chinagora, au confluent de la Seine et de la Marne :







Nouvelle tentative le lendemain, direction le château de Vaux-le-Vicomte, près de Melun, que je tiens absolument à visiter tant je suis impressionnée par la beauté des clichés que j'en ai vus :


Mais cette fois, au lieu de remonter le cours de la Seine, je décide de passer par les pistes d'Orly, avant de rejoindre la Seine au niveau de Juvisy.

Notre Dame de France
Puis j'enjambe la Seine au niveau du Pont de la Première Armée Française qui m'emmène sur Draveil et la Forêt de Sénart.





Je longe la rive droite du fleuve jusque Soisy, puis franchit le fleuve à nouveau pour me retrouver à Corbeil :




A mesure que je m'éloigne de Corbeil, toujours en suivant la Seine, les paysages industriels laissent peu à peu place à des maisons luxueuses ponctuant de loin en loin le chemin de halage, notamment au niveau du Coudray-Montceaux, par ailleurs remarquable pour son barrage dont le revêtement argenté luit au soleil en même temps qu'il reflète les ondes :






 
Le barrage de Coudray-Montceaux, inauguré en mai 2013 et équipé d'une passe à poissons

Avant de retraverser le fleuve, quelques vues sur les rivages boisés qui s'étendent à l'ouest du Vert-Saint-Denis, à l'approche de Melun par Le Mée-sur-Seine :

 



Puis c'est l'arrivée à Melun, dont on peut apercevoir la maison d'arrêt depuis un des ponts qui enjambent la Seine :


Après une belle montée en direction de Maincy, et c'est l'entrée dans le domaine du château de Vaux-le-Vicomte, aménagé par Lenôtre
 

 










Le grand salon, dans lequel se tient le Salon du chocolat

La bibliothèque






 



La visite du château frappe par la mugnificence des lieux, elle est en même temps l'occasion pour le visiteur de revivre les circonstances entourant la disgrâce du surintendant Fouquet, lors d'une fête somptueuse donnée par ce dernier le 17 août 1661 à Vaux en présence de Louis XIV. L'abbé de Choisy évoque d'ailleurs cet évènement dans ses mémoires :
 
"Le Roi ne put pas s'empêcher d'aller à Vaux, où tout était prêt pour le recevoir. Il avait dans sa calèche Monsieur, la comtesse d'Armagnac, la duchesse de Valentinois et la comtesse de Guiche. La Reine mère y alla dans son carrosse, et Madame en litière. On y représenta pour la première fois Les Fâcheux de Molière, avec des ballets et des récits en musique dans les intermèdes. Le théâtre était dressé dans le jardin, et la décoration était ornée de fontaines véritables, et de véritables orangers ; il y eut ensuite un feu d'artifice, et un bal où l'on dansa jusqu'à trois heures du matin. Les courtisans, qui prennent garde à tout, remarquèrent que dans tous les plafonds, et aux ornements d'architecture, on voyait la devise de M. le surintendant : c'était un écureuil (ce sont ses armes) qui montait sur un arbre, avec ces paroles : Quo non ascendam ? (Où ne monterai-je point ?) Mais ils n'ont remarqué que depuis sa disgrâce qu'on y voyait aussi partout des serpents et couleuvres [les couleuvres faisaient partie des armes parlantes de Colbert] qui sifflaient après l'écureuil. L'écureuil et les couleuvres sont encore à Vaux. Au milieu de la fête, M. le surintendant reçut un billet de madame Du Plessis-Bellière, qui lui donnait avis qu'on devait l'arrêter à Vaux : mais la Reine mère avait changé l'ordre.

"La Cour était alors à Fontainebleau ; et Fouquet, quoique la fête eût fort bien réussi, commença à soupçonner qu'on le voulait perdre. Gourville, homme d'esprit, et son ami particulier, lui en donnait tous les jours de nouveaux avis ; il lui dit que le Roi, piqué de la magnificence de Vaux, qui effaçait de bien loin Fontainebleau et toutes les autres maisons royales, n'avait pas pu s'empêcher de dire à la Reine mère : "Ah, madame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ?""

Extrait des Mémoires de l'abbé de Choisy, Mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV, Le Temps retrouvé, Mercure de France, 1866, initialement publiées en 1727.

Le retour se fera dans le nuit par le village de Maincy dont on peut apercevoir l'église ci-après :