mardi 22 octobre 2013

Salo, Pier Paolo Pasolini, 1976

 
 
Dans ce film intéressant et aux belles images, Pasolini met en scène, dans un certain contexte politique, des scènes sadiques sous trois chapitres principaux au titre évocateur : le cercle des passions (brutales) ; le cercle de la merde (scato) ; et enfin le cercle du sang. Des jeunes gens/filles sont ainsi faits prisonniers et pris à partie par un petit groupe de chefs « nazi-fascistes » qui les soumettent à leurs caprices. Le film est l’occasion de montrer de spendides intérieurs italiens ornés de tableaux futuristes (film tourné à Salo, en bordure du Lac de Garde, dans la région de Vérone). Trois « narratrices » / mères maquerelles rythment le film, en animant, chacune à leur tour, leur « cercle » par des histoires salaces qui mettent les nazillons dans tous leurs états et les poussent à s’en prendre à leurs victimes avec un acharnement redoublé.
Ce film procède d’une vision pessimiste du monde, si l’on y songe bien : en effet, les nazillons sont des êtres physiquement repoussants, incapables de maîtriser leurs pulsions qui toutes s’expriment au travers d’une sexualité brutale et déréglée et toujours aux dépens d’autrui, dans des mises en scène ridicules si elles n’étaient aussi tragiques. Ces chefs sont aidés par un aéropage de collaborateurs proches, molosses menaçants qui n’hésitent pas à en rajouter dans le registre de la brutalité et de la menace sur les plus faibles, tout en satisfaisant les moindres désirs, y compris sexuels, de leurs maîtres. Pour autant, peut-on prendre en pitié les victimes elles-mêmes ? C’est difficile, dans la mesure où ces dernières n’hésitent pas à se dénoncer entre elles pour avoir la vie sauve et/ou obtenir un meilleur traitement que leurs compagnons d’infortune. Quant à la victime totale, celle qui geint, se lamente, pleure et en appelle à la pitié de ses bourreaux, elle excite et focalise leur agressivité, comme s’ils cherchaient à aller jusqu’au bout de sa résistance physique, tout en la préservant afin de faire durer leur plaisir sadique le plus longtemps possible. Le seul personnage qui se rebelle, dès le début, est immédiatement abattu, si bien qu’il ne reste aucune alternative que de se laisser faire et supporter le calvaire jusqu’à son terme pour les jeunes gens.
La vision du film est parfois éprouvante, notamment les scènes de scatologie très réalistes, mais il a le mérite de faire réfléchir à la mécanique qui préside au déchaînement des instincts sadiques et aux moyens dont nous disposerions pour arrêter tout cela. Point de défense ni illustration de thèses politiques marxistes dans cette œuvre, si ce n’est par la dénonciation des œuvres prêtées à des chefs fascistes, plutôt une descente dans les méandres les plus sombres de l’esprit humain et la façon déréglée dont certains prennent leur plaisir, notamment aux dépens des autres ; et toujours une célébration de la paysannerie et des travailleurs manuels à travers les corps vigoureux et esthétiques que Pasolini filme complaisamment, pour son plaisir et pour le nôtre. Cela donne envie de remonter aux sources d'inspiration de ce film, notamment Justine ou les infortunes de la vertu de Sade.

 


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