Dans ce film
intéressant et aux belles images, Pasolini met en scène, dans un certain
contexte politique, des scènes sadiques sous trois chapitres principaux au
titre évocateur : le cercle des passions (brutales) ; le cercle de la merde
(scato) ; et enfin le cercle du sang. Des jeunes gens/filles sont ainsi faits
prisonniers et pris à partie par un petit groupe de chefs « nazi-fascistes »
qui les soumettent à leurs caprices. Le film est l’occasion de montrer de spendides
intérieurs italiens ornés de tableaux futuristes (film tourné à Salo, en bordure du Lac de Garde, dans la région de Vérone). Trois «
narratrices » / mères maquerelles rythment le film, en animant, chacune à leur
tour, leur « cercle » par des histoires salaces qui mettent les nazillons dans
tous leurs états et les poussent à s’en prendre à leurs victimes avec un
acharnement redoublé.
Ce film procède
d’une vision pessimiste du monde, si l’on y songe bien : en effet, les
nazillons sont des êtres physiquement repoussants, incapables de maîtriser
leurs pulsions qui toutes s’expriment au travers d’une sexualité brutale et
déréglée et toujours aux dépens d’autrui, dans des mises en scène ridicules si
elles n’étaient aussi tragiques. Ces chefs sont aidés par un aéropage de
collaborateurs proches, molosses menaçants qui n’hésitent pas à en rajouter
dans le registre de la brutalité et de la menace sur les plus faibles, tout en
satisfaisant les moindres désirs, y compris sexuels, de leurs maîtres. Pour
autant, peut-on prendre en pitié les victimes elles-mêmes ? C’est difficile,
dans la mesure où ces dernières n’hésitent pas à se dénoncer entre elles pour
avoir la vie sauve et/ou obtenir un meilleur traitement que leurs compagnons
d’infortune. Quant à la victime totale, celle qui geint, se lamente, pleure et
en appelle à la pitié de ses bourreaux, elle excite et focalise leur
agressivité, comme s’ils cherchaient à aller jusqu’au bout de sa résistance
physique, tout en la préservant afin de faire durer leur plaisir sadique le
plus longtemps possible. Le seul personnage qui se rebelle, dès le début, est
immédiatement abattu, si bien qu’il ne reste aucune alternative que de se
laisser faire et supporter le calvaire jusqu’à son terme pour les jeunes gens.
La vision du film
est parfois éprouvante, notamment les scènes de scatologie très réalistes, mais
il a le mérite de faire réfléchir à la mécanique qui préside au déchaînement
des instincts sadiques et aux moyens dont nous disposerions pour arrêter tout
cela. Point de défense ni illustration de thèses politiques marxistes dans
cette œuvre, si ce n’est par la dénonciation des œuvres prêtées à des chefs fascistes,
plutôt une descente dans les méandres les plus sombres de l’esprit humain et la
façon déréglée dont certains prennent leur plaisir, notamment aux dépens des
autres ; et toujours une célébration de la paysannerie et des travailleurs
manuels à travers les corps vigoureux et esthétiques que Pasolini filme
complaisamment, pour son plaisir et pour le nôtre. Cela donne envie de remonter
aux sources d'inspiration de ce film, notamment Justine ou les
infortunes de la vertu de Sade.
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