Sortie française le 14 janvier 2015.
Ce film documentaire nous conduit crescendo jusqu'au vertige procuré par cette nouvelle incursion dans les horreurs commises par les Nazis et plus particulièrement leur milice, la "SS" ou "Schutzstaffel" ("Escadron de protection"), dirigée par Himmler.
Nous commençons calmement par la naissance de Himmler en 1900, prélude d'une enfance münichoise passée au sein dune famille aimante, bourgeoise et stable (son père est professeur dans un lycée, il est conservateur et soutient des thèses nationalistes modérées). Malgré cela, Himmler est un enfant souffreteux et émotif. Il semble avoir du mal à gérer la contradiction. Puis vient la Première guerre mondiale qui se solde par une défaite, incompréhensible pour les nationalistes allemands qui placent leur patrie au dessus de toutes les autres et souffrent de la voir abaissée par le Traité de Versailles.
Le romantisme du jeune Himmler est encore exacerbé par ce qu'il perçoit comme l'entrée en décadence du peuple allemand lors de la République de Weimar, qui offre un tableau en contradiction totale avec les récits idéalisés sur les ancêtres germains de la Nation : (i) les femmes perdent la notion de leur place assignée dans la société, allant même jusqu'à refuser de faire de enfants ; (ii) les loisirs et la débauche qui ont fait la réputation de Berlin dans les années 1920 prennent le dessus sur le goût du travail et de la sobriété généralement associé aux qualités germaniques ; et (iii) l'homosexualité s'affiche de plus en plus ouvertement, au grand dam de Himmler qui est alarmé par la chute de la moralité que cette situation révèle. Himmler est convaincu qu'il est impératif pour les Allemands de se ressourcer dans les mythes fondateurs de la civilisation germanique pour retrouver l'esprit des chevaliers teutoniques et ainsi régénérer les qualités profondément allemandes que sont l'ordre, la ténacité, l'endurance et la résilience, autant de manifestations du génie national destiné à dominer le monde.
C'est à cette époque qu'il forge sa philosophie fondée sur l'exclusion et l'élimination de tous ceux qui feraient obstacle à la restauration des qualités allemandes ancestrales, parmi lesquels les Juifs, peuple internationalisé par excellence, dénué de toute conscience nationale et caractérisé par son amour excessif du lucre. Himmler dénonce également les homosexuels inassimilables à son grand dessein de sursaut national, en tant qu'éléments perturbateurs, individualistes, indisciplinés et dominés par leurs bas instincts. Himmler en a également après les communistes dont les idées contribuent au ramollissement de la vitalité populaire, là où lui ne cherche qu'à la galvaniser.
Au début des années 1920, Himmler rencontre Hitler, qui lui confie rapidement le commandement de la SS destinée dans un premier temps à assurer la protection personnelle du Führer, avant de croître pour devenir une structure d'encadrement paramilitaire des rassemblements organisés par le parti, pour enfin s'instituer comme organisation parallèle à la Wehrmacht, armée régulière de l'Etat allemand.
Himmler devient ainsi le grand maître d'oeuvre de la solution finale de la question juive, en faisant construire et en supervisant personnellement la gestion des camps de concentration tels que Dachau ou Auschwitz. D'une manière générale, il prend en mains la lutte contre les opposants au régime, ainsi que la politique eugéniste visant à éliminer les éléments de la population qui ne correspondent pas à l'idéal aryen.
On l'aura compris, la vie de Himmler est jalonnée d'actes brutaux, barbares, dont il se défend en affirmant qu'il est parfois nécessaire de se montrer dur et implacable lorsque le bien de la population aryenne est en jeu, même s'il s'efforce de rester "convenable" ("decent") en toute circonstance.
Alors que les Nazis mettent en oeuvre leur théorie du "Drang nach Osten" (poussée vers l'est), les idées de Himmler deviennent de plus en plus folles et sectaires, prônant une violence sans répit qui s'abat sur des segments de population toujours plus importants (l'ensemble du peuple polonais, et plus particulièrement sa composante juive). Dans sa correspondance, on peut voir la dérive de Himmler s'accentuer jusqu'à se transformer en délire psychopathe. Sa relation à Hitler finit par prendre le dessus sur toutes ses autres relations, même familiales -- ainsi, il renie son père qu'il trouve trop faible.
A force de cruauté et de massacres perpétrés en masse, il écope de la réputation de "meurtrier du siècle". Il n'aura d'ailleurs pas le courage de se défendre devant les tribunaux alliés puisqu'il se suicidera peu de temps après sa capture en 1945. Il laisse ainsi son cher pays à l'état d'un champ de ruines, dans un chaos indescriptible, livré en pâture aux Anglo-Saxons et aux Russes abhorrés. Ces derniers, malgré leur infériorité théorique largement ressassée par les Nazis qui les ravalent au rang de bêtes, auront fini par écraser l'insurpassable Allemagne ! De ce désastre, Himmler et ses idées sans queue ni tête, portent une part de responsabilité écrasante. Il laisse derrière lui une femme, une fille, une maîtresse et deux enfants naturels.
Le film est un montage d'images d'archives de la période nazie, sur lesquelles des acteurs lisent la correspondance échangée par Himmler et ses proches. Le procédé permet de mettre en lumière le glissement de Himmler vers un fanatisme sans frein, notamment lorsque l'on compare les idéaux nationalistes "innocents" qu'il exprime durant sa période estudiantine, avec la dureté dont il ne cesse de se prévaloir comme d'une nécessité absolue pendant qu'il occupe les responsabilités les plus hautes au sein de l'appareil d'Etat nazi.
En fait, ce qui frappe, c'est l'irréalisme de ses propositions en faveur d'une pureté absolue de la race germanique, impliquant l'extirpation de tous les éléments non conformes/déviants du peuple allemand, et partant la mise en oeuvre d'un nettoyage ethnique implacable qui s'étend même au-delà des frontières originales de l'Allemagne, en France, mais aussi et surtout en Pologne et dans le reste de l'Europe orientale.
Ce qui frappe également, c'est l'incapacité de Himmler à considérer toute idée contraire autrement que comme une menace devant être anéantie. C'est ainsi que rapidement, Himmler et l'ensemble des dignitaires nazis perdent tout contact avec la réalité dont ils nient le caractère pluriel, pour s'enfermer dans des schémas qui n'ont plus rien à voir avec les faits de nature ni avec l'économie du monde. A mesure que Himmler s'enferme dans un monde de contre-vérités, tout se passe comme s'il voulait se persuader à tout prix que les murs sont horizontaux, et que la main de l'homme possède quatre doigts. Nous assistons ainsi à un dangeureux affaiblissement de son jugement, aboutissant à la ruine et à la destruction de l'Allemagne, sans compter les souffrances infligées au reste du monde.
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