Denis Robert est connu pour son travail de journalisme d'investigation (Libération, Canal +), centré sur le fonctionnement de la chambre de compensation financière Clearstream, dont il ne cesse de dénoncer, entre 1996 et 2008, les manquements dans la lutte contre le blanchiment d'argent, en fondant son analyse sur des listings confidentiels de transactions financières. Ses enquêtes lui vaudront de multiples procédures judiciaires, dont il sort, après de longues années de procès, globalement vainqueur, notamment lorsque la Cour de Cassation atteste en 2011 le sérieux de son travail et la valeur de sa contribution au débat démocratique sur les questions relatives à l'organisation des flux financiers.
L'affaire Clearstream est le départ d'un imbroglio politico-juridico-financier, sur lequel viennent se greffer d'autres affaires, à savoir : (i) la falsification de listings Clearstream pour qu'ils fassent apparaître le nom de certains détenteurs de comptes par lesquels auraient transité des sommes indues, mettant injustement en cause des personalités françaises de premier plan, dont Nicolas Sarkozy ou DSK ; (ii) une compagne de presse orchestrée par Edwy Plenel à l'époque où il était directeur de la rédaction du Monde (1996-2004), qui remet en cause la qualité du travail réalisé par Denis Robert en insistant sur son manque de rigueur supposé, l'accusant peu ou prou de diffamation. Dans le premier cas, il apparaît que Denis Robert a été instrumentalisé dans le cadre de règlements de compte et que ses listings ont été truqués par des individus censés l'aider dans leur décryptage, en ajoutant des noms de personnalités qu'ils ne contenaient pas dans leur version originale. Dans le deuxième cas, des jalousies professionnelles seraient à l'origine du dénigrement systématique dont Denis Robert a fait l'objet de la part de certains organes de presse.
Que faut-il retenir de tout cela ? Denis Robert a effectivement contribué à certaines avancées dans la lutte contre le blanchiment d'argent, ce qui a donné lieu à une campagne internationale en faveur d'une transparence accrue dans les transactions financières (adoption en 2014 de nouvelles mesures par le Parlement européen ; priorité donnée à ce thème lors des réunions des principaux organismes interétatiques, comme l'OCDE ou encore le G20). Il est vrai que le chemin à parcourir est encore long avant d'aboutir à une transparence totale. Mais il existe une prise de conscience, à laquelle le travail d'individus tels que Denis Robert a certainement contribué.
Quel lien avec l'exposition ? Denis Robert expose son travail de peintre, dans lequel il apparaît que l'affaire Clearstream tient une place prépondérante. Il s'attache, parfois de manière outrée ("Shoot the bank"), à une critique acerbe de la finance non plus à travers une enquête journalistique, mais au travers de toiles peintes qui contiennent des slogans dénonciateurs, peints par-dessus des listings de transactions financières, dans un style pop art/street qui n'est pas sans rappeler l'inspiration première des oeuvres de Basquiat. Son but, peut-être, souffler sur les braises, insuffler une atmosphère insurrectionnelle visant à abattre ces organisations géantes qui nous oppressent.
Son exposition est donc conforme à sa démarche militante dénonciatrice, mais on cherche la poésie et la douceur dans ses toiles généralement dures, anguleuses, aux couleurs vives appliquées en larges tâches rouges, jaunes, noires. Les toiles deviennent de véritables déversoirs de la colère de l'artiste. Dans ces conditions, qui aurait envie d'accrocher les oeuvres de Denis Robert dans son salon ? Par ailleurs, quel est le business model de Robert, lorsque l'on sait que les acheteurs d'art contemporain proviennent principalement des rangs des individus qu'il dénonce à longeur de pages et de toiles ? Il est vrai que personne n'a de goût pour l'oppression, néanmoins, le monde a besoin d'être organisé par des Etats et des multinationales pour produire la richesse, la sécurité et les biens matériels dont nous avons besoin. Et si le caractère illégal de certaines activités doit être inlassablement et implacablement combattu, c'est en travaillant main dans la main avec ces organisations à l'amélioration de leur fonctionnement que l'on doit y arriver. Autrement dit, oui à une démarche pragmatique en vue de la réforme du système en place ; non à la révolution et la politique de la table rase !
Sinon, quoi d'autre à la Galerie W ?
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