samedi 7 décembre 2013

Inside Llewyn Davis, des frères Cohen

 

Sur les conseils de mon frère Olivier, et malgré l'avertissement de ma collègue / amie Dominique qui décidément est restée de marbre face à la dernière oeuvre des frères Cohen, trop masculine selon elle, trop "folk" également, je décide d'aller tenter ma chance aux 5 Caumartin où je suis de passage en ce samedi matin.

Grand bien m'en a pris. Ce film est en effet de toute beauté, et une émotion intense affleure à pratiquement chaque image. C'est vrai, les couleurs des images, tournant autour de la gamme chromatique des bleus, gris et blanc, manquent de girliness ; et il est également vrai que, mis à part le personnage campé par Carey Mulligan, les personnages féminins sont plutôt rares, tout comme les voix de femmes d'ailleurs. Pour autant, si on choisit d'assimiler la sensibilité à l'aspect féminin des choses, on peut dire qu'il y a de la féminité partout dans ce film. En effet, la sensibilité des personnages masculins montrés à l'écran, notamment le personnage principal interprété par le bel acteur Oscar Isaac, qui se manifeste dans leur voix, qu'ils utilisent principalement en la travaillant sur un registre "doux", mélodique, murmuré à certains moments pour en laisser passer le souffle, fait référence à un univers féminin. Et lorsque les atours de la masculinité ressurgissent, notamment chez l'un des chanteurs / amis de Llewyn qui fait son service militaire, adore la discipline et semble très fier de son uniforme qu'il arbore avec une certaine provocation dans cet univers folk, ce n'est que pour en souligner l'incongruité au milieu d'une atmosphère non pas vouée à la domination par la force virile, mais au contraire à l'expression des émotions de la façon la plus fine et la plus nuancée possible - notons à ce propos également l'expression souvent butée et fixe du regard de Llewyn, notamment lorsqu'il converse avec des personnages qui lui sont hostiles et lui font des reproches, comme c'est le cas pendant tout le film pratiquement : derrière sa "tête de cochon", on a l'impression tenace que Llewyn est toujours prêt d'éclater en slangots. 

Pourtant, malgré sa sensibilité à fleur de peau, malgré son talent d'interprète manifeste dans les nombreuses scènes chantées qui parsèment le film, Llewyn demeure un perdant qui "tranforme en merde tout ce qu'il touche", selon les termes peu amènes du personnage interprété par Carey Mulligan, et on ne peut s'empêcher de se demander quelle en est la raison. Pourquoi, alors que le talent semble fuser de ce garçon, ne parvient-il pas à s'imposer et provoque-t-il autant de réactions hostiles de la part de son entourage ? La réponse est peut-être à rechercher, selon les mots mêmes des frères Cohen dont j'ai entendu un entretien à la radio, dans son approche des relations humaines. En effet, Llewyn est déphasé par rapport au monde qui l'entoure, et c'est dommage car le manque de psychologie qu'on décèle chez lui l'empêche de défendre son don, de transformer ses essais : il a trop de doutes, il est top impétueux, il est conflictuel, il ne prend pas assez sur lui, il n'est pas assez flexible et lorsqu'on lui propose d'intégrer un groupe comme dans le cas de cet impresario de Chicago, il refuse de faire la moindre concession, le moindre aménagement dans sa façon de faire de la musique. Et c'est dommage, désespérant même, car ces refus l'empêchent de défendre in fine ses conceptions artistiques - en bref, il est dépourvu de tout réalisme et finalement s'aigrit et se décourage devant toutes les portes auxquelles il frappe et qui demeurent obstinément closes, cela même alors qu'il a quelque chose à donner au monde. Il suffirait d'un rien, et pourtant c'est trop pour lui, si bien qu'au final il tourne en rond et n'arrive à rien - comme le souligne la scène dans laquelle il se fait casser la figure par le mari d'une artiste qu'il a huée alors qu'elle était sur la scène du Gaslight, et qui se  répète par deux fois, à la façon d'Un jour sans fin.

Un mot finalement sur la scène du film qui m'a le plus frappé - je ne parlerai pas de sa rencontre avec son père sénile dans une institution, mais je choisirai plutôt la scène qui le montre au volant, tentant d'éviter un loup qui traverse la route à l'improviste et qu'il voit au dernier moment dans le faisceau de ses phares. Après avoir pilé, il sort de l'habitacle pour se rendre  compte des dégâts, vérifier le pare-choc ensanglanté, avant d'apercevoir à quelques mètres de là l'animal qu'il a blessé, claudiquant dans la neige avant de disparaître dans la forêt couverte de givre. Et cette scène semble résumer le mode vicié des relations qu'il entretient avec son entourage, qu'il blesse sans le vouloir, par son incompréhension des choses qui l'entourent, sa légèreté et sa désinvolture.
 
 

1 commentaire:

  1. Vous devriez utiliser un tel site pour regarder des films sur https://dpstream.video/ Je l'aime toujours. Il y a un grand choix de films pour tous les goûts et couleurs comme on dit

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