Suite de l'exploration de la vie et de l’œuvre de Paul Verlaine au musée de Juniville, en suivant notre conférencier dans l'auberge du Lion d'Or, où Verlaine aurait écrit son recueil Sagesse, pour accompagner ses efforts afin de se convertir en un parfait fermier, en vain.
Nous en apprenons ainsi davantage sur la vie de Verlaine, en particulier :
- dans sa relation avec Rimbaud, ce dernier aurait eu la haute main et aurait exercé une influence destructurante sur la vie de Verlaine, en mettant fin à son mariage avec Mathilde, en l'éloignant de ses amis et de ses idéaux de vie bourgeoise, en jouant sur son caractère dominant, ses phases de mutisme, par opposition à la personnalité plus accommodante de Verlaine. Durant leurs quelques mois d'errance entre Paris, l'Angleterre et la Belgique, Rimbaud cherchait à persuader Verlaine de laisser derrière lui un mode de vie petit-bourgeois étriqué, en lui disant qu'il fallait être absolument libre vis-à-vis de toutes les conventions sociales, en lui montrant le chemin vers une émancipation qui, seule, permettrait la réalisation de leur être et étancherait leur soif d'une liberté absolue. Les deux hommes se séparent finalement sur une scène violente lorsque Verlaine tire sur Rimbaud et le blesse à la main, ce qui conduit le premier à séjourner deux ans à la prison de Mons, où il redécouvre la foi catholique et aspire à des idéaux de vie rangée, même si leur dernière rencontre à Stuttgart en 1875 fait presque rechuter Verlaine dans ses anciens travers. Bilan désastreux, si l'on considère la ruine de la réputation de Verlaine et son éloignement définitif de sa femme et de son fils, de même que la ruine matérielle sur laquelle leur compagnonnage se solde, malgré le soutien continu de la mère de Verlaine qui paie les pots cassés. Bilan ô combien fécond, si l'on considère les œuvres produites par les deux poètes pendant cette période de rapprochement de leurs exceptionnels intellects, fruits d'un labeur acharné, certes entrecoupé de disputes et beuveries : Romances sans paroles (1874) du côté de Verlaine ; du côté de Rimbaud, Une saison en enfer (composition en avril-août 1873) et les Illuminations dont il remet le manuscrit à Verlaine lors de leur ultime rencontre à Stuttgart en 1875.
- L'instabilité de Verlaine, déchiré entre son désir de liberté sans entrave, d'une part, et d'autre part, ses aspirations à une morale catholique plus orthodoxe. Cette instabilité se retrouve à travers ses deux expériences ratées de retour à la terre, soldées par des échecs retentissants si bien que sa mère est appelée à la rescousse pour renflouer son fils empêtré dans des aventures ayant tourné court. En effet, la vie de Verlaine n'est pas un long fleuve tranquille, entre ses aventures politiques aux côtés des Communards, ses errances aux côtés de Rimbaud, puis de Lucien Létinois dans les Ardennes, ses tentatives de suivre un mode de vie rangé en tant qu'enseignant, qui rapidement prennent l'eau ou plutôt l'absinthe, lorsque sa réputation pâtit de ses beuveries au vu et au su de l'ensemble de la communauté des paysans ardennais devant laquelle il se donne en spectacle. Sa vie mouvementée, agrémentée de séjours en prison, sa fréquentation de deux prostituées qui lui font une vie impossible, alors que sa santé décline en raison notamment de ses excès éthyliques (cirrhose, diabète), de sa promiscuité (syphilis), précipitent sans doute son décès prématuré à 52 ans.
- Ne reste finalement que son œuvre lumineuse, musicale, chatoyante, tendre, facile d'approche, inscrite aux programmes scolaires de France et de Navarre, jusqu'au Tonkin et à la Cochinchine, lui conférant ainsi un caractère universel. Les résistants iront même jusqu'à adopter les vers verlainiens Les sanglots longs des violons de l'automne/Blessent mon cœur d'une langueur monotone afin de signifier le début des opérations du débarquement en Normandie le 6 juin 1944.
Personnage haut en couleurs, aux prises avec les affres de la création, Verlaine aura payé le doux murmure des muses au prix fort.
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