dimanche 14 juin 2015

Un Français

Film français réalisé par Diastème, avec Alban Lenoir (Marco Lopez), Samuel Jouy (Braguette), Paul Hamy (Grand-Guy), Olivier Chenille (Marvin), Jeanne Rosa (Kiki), Patrick Pineau (Le pharmacien), Lucie Debay (Corinne), Blandine Pelissier (La mère de Marco). Sorti le 10 juin 2015

Inspiré par l'assassinat de Clément Méric par des militants d'extrême droite, Un Français retrace le parcours sur une trentaine d'années de Marco, un skin head français, depuis les batailles rangées des années 1980 entre jeunes excités emplis de haine faisant le coup de poing contre les gauchistes et les bandes rivales de punks et de red skins, jusqu'à sa recherche d'une rédemption qui lui donne la force d'essayer de de se réinsérer, difficilement, en trouvant un nouvel équilibre loin des pratiques violentes qu'il affectionnait dans sa prime jeunesse. Sa nouvelle sagesse, il l'acquiert en voyant ses "compagnons de lutte" tomber les uns après les autres : Braguette perd l'usage de se jambes suite à un mauvais coup reçu lors d'une bagarre, Grand-Guy croupit en prison suite à l'assassinat d'un Noir à qui il a fait boire du Destop,  Marvin meurt du sida qu'il a sans doute contracté en raison de ses pratiques de toxicomane.

Marco lui-même mène une vie difficile entre petits boulots éreintants dans un supermarché et ses problèmes familiaux (son père est alcoolique, sa mère est résignée à tout et sa femme, révulsée de le voir idéologiquement amolli, l'empêche de voir leur fille). Marco Lopez, puisque nous apprenons au cours du film que lui-même est issu de l'immigration, réalise progressivement que ses idéaux de jeunesse le mènent dans une impasse, et se tourne vers une certaine modération en se convertissant à des valeurs humanistes, sous l'influence notamment d'un pharmacien qui lui prodigue des soins alors qu'il est soumis à des crises d'angoisse.

Ce film est découpé en multiples scénettes que l'on peut regrouper en deux parties principales. La première partie reprend l'ambiance particulière des années 1980 du point de vue de ces jeunes ultras, généralement issus de milieux modestes et qui trouvent dans la bande une famille de substitution au sein de laquelle ils peuvent donner libre cours à leur soif de violence. Le personnage de Braguette est ainsi sans doute en partie inspiré du destin du chanteur du groupe Evil Skin ("Nous sommes skin heads, bêtes et méchants"), Iman Zarandifar, d'origine iranienne, rebaptisé "Sniff", ayant perdu l'usage de ses jambes suite à une bagarre avec un punk au cours de laquelle il reçoit une balle dans la colonne vertébrale. Le personnage de Marvin, fan de reggae, est un mélange entre le chanteur Pierpoljak, dit "Pierrot le fou" alors qu'il arpentait les Halles en y semant la terreur avec son ami d'enfance Farid Hamsa au début des années 1980, et ce dernier, décédé du sida. Dans cette ambiance survoltée d'affrontement entre bandes rivales, on retrouve les éléments du folklore anglais importé sur le continent, depuis les batailles entre skins et mods de Brighton, l'influence de la musique punk et la politisation progressive au cours des années 1970/80 des skins en faveur des thèses d'extrême droite, en réaction à la crise économique et aux fermetures d'usines qui touchent durement le prolétariat britannique dont ils sont issus.

La deuxième partie est plus intime en ce qu'elle s'intéresse à l'évolution personnelle de Marco qui parvient à se sortir du milieu skin, elle est par là l'occasion pour Alban Lenoir d'une performance d'acteur puisqu'il parvient à incarner l'évolution de son personnage (son regard, d'exorbité et haineux devient doux et empathique).

Il se dégage du film une certaine nostalgie pour les années 1980, que ressentiront notamment les spectateurs qui étaient des adolescents pendant cette décennie. Peut-on pour autant considérer que la bulle skin est définitivement dégonflée et que les nouvelles générations de jeunes gens ont perdu la fascination pour l'ultra-violence que leurs aînés pouvaient ressentir ? Rien n'est moins sûr : l'extrême-droite radicale a récemment refait parler d'elle en Allemagne lors des manifestations anti-islamistes de Cologne en 2014, ou au Japon, suite à la décapitation de deux des citoyens de ce pays par l'organisation se faisant appeler Etat islamique, ou même en Israël, obligé de reconnaître que des bandes de néo-nazis opéraient sur le sol même de l'Etat juif. La pulsion de violence est toujours bien présente parmi certains groupes de jeunes gens, et il est ironique de constater que les courants salafistes et néo-nazis se disputent désormais l'adhésion de ces jeunes en quête d'appartenance identitaire, toujours prêts à en découdre.

Sources :









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire