C’est l’histoire
de ce penseur juif qui a exploré les origines du mal en se fondant sur l’exemple
de l’avènement du nazisme dans son pays d’origine, l’Allemagne, alors qu’elle a
échappé de justesse aux camps de la mort et trouvé refuge à New York, où elle
enseigne la philosophie en langue allemande à l’Université. Nous la découvrons
dans son univers familier, entourée de son mari et de ses amis. En 1961, elle
propose de couvrir pour le New Yorker
le procès d’Adolf Eichmann, organisateur de la logistique de la solution
finale, qui se tient à Jérusalem.
Elle regarde l’audition
d’Eichmann confronté aux témoignages des survivants de l’holocauste par l’intermédiaire
de moniteurs installés dans l’enceinte du bâtiment où se déroule le procès. C’est
pour nous l’occasion de découvrir des images d’archive montrant les témoins
faisant face à Eichmann et en proie au traumatisme insurmontable qu’ils ont
vécu – l’un de ces témoins est même pris d’un malaise, il tombe de sa chaise
sur le sol, à même le carrelage, pris de spasmes incontrôlés. Des chefs
religieux ayant aidé malgré eux les autorités nazies à recenser / identifier /
localiser les membres de leur communauté sont insultés par l’assistance, qui
les traite de lâches et de traitres.
Arendt verra en
Eichmann un homme ordinaire et médiocre qui effectuait consciencieusement une
tâche à lui confiée par son Führer sans se poser la moindre question de
conscience. Elle souligne le rôle des chefs de certaines communautés juives d’Europe
centrale ayant contribué au massacre. A sa parution, son livre (Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la
banalité du mal, paru à New York en 1963) suscitera une immense controverse
dont elle n’aura pas prévu la violence – elle se fera traiter de « pute nazie »
jusque dans sa cage d’escalier. Ses amis se détournent d’elle et les critiques
la décrivent comme un personnage incapable de sentiment, de compassion, encore
moins d’empathie, bafouant la mémoire des morts.
En fait, on se
rend compte qu’Arendt est bel et bien humaine, mais qu’elle refuse de céder au
sentimentalisme en préférant faire appel à la raison plutôt qu’aux sentiments.
Au lieu de hurler avec les loups, elle préfère proposer son interprétation
personnelle du procès et de la personnalité d’Eichmann, quitte à aller à l’encontre
d’une vision consensuelle le dépeignant sous les traits d’un monstre cruel,
psychopathe et sanguinaire.
Moins d’émotion
aveugle, moins de sentiment religieux irrationnel, davantage de réflexion
semble-t-elle nous dire. C’est l’affirmation principale que nous propose ce
film dont l’intérêt réside davantage dans le rendu de la démarche intellectuelle
originale d’Arendt, que dans la mise en scène de la banalité de son quotidien.
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