Je reviens au Musée Rodin pour la deuxième fois depuis 2010, après une première visite avec ma famille. Cette fois, j'y vais seul (et en tenue de cycliste) pour aller y admirer les oeuvres photographiques de Robert Mapplethorpe (dont la plupart date de la fin des années 1970/début des années 1980) mises en perspective avec les sculptures d'Auguste Rodin de la fin du 19e siècle/début 20e. Comme le souligne un des panneaux de commentaires de l'exposition, je note que le point commun principal qui rassemble l'oeuvre des deux artistes réside dans la tension imprimée aux corps de leurs modèles, faisant ressortir leurs muscles, leurs nervures à la façon d'écorchés.
Chez Mapplethorpe cependant, cette tension est atténuée par une certaine plasticité de ses images qui leur donne un aspect figé, contrepartie de cette recherche esthétique poussée à l'extrême qui donne à ses photos leur côté fascinant. La dimension un peu artificielle que l'on peut associer au travail de Mapplethorpe provient sans doute de sa personnalité, abondamment décrite par Patti Smith dans son livre de souvenirs Just Kids. Elle dépeint son cher ami Robert comme un garçon doux et gentil, issu de la classe moyenne, qui a voulu à un moment de sa vie infléchir sa personnalité : il ne voulait plus être perçu comme le jeune pâtre bucolique à laquelle sa tête couronnée de boucles renvoyait, mais comme le bad boy adepte des sex clubs hardcore et des pratiques extrêmes, correspondant sans doute davantage à ses fantasmes, et dont il donne un aperçu dans certains de ses clichés. Patti Smith décrit son ami rentrant de ses virées nocturnes épuisé, lessivé par ce qu'il y a vu et subi. Cet aspect de la vie de Mapplethorpe est sans doute à l'origine du côté un peu artificiel de son oeuvre, selon moi, dans la mesure où il a voulu correspondre à une certaine idée qu'il se faisait de lui-même, au détriment de sa véritable nature plus paisible. D'ailleurs, les photos de lui que je préfère sont ses clichés de fleurs et non pas ses clichés violemment érotiques. On ne peut s'empêcher d'associer l'univers de Mapplethorpe à une certaine fragilité, confirmée par ailleurs dans ses derniers auto-portraits avant qu'il ne soit emporté par le sida.
Point de fragilité, ni d'esthétisme chez Rodin, qui au contraire s'attache à souligner la force, l'animalité et le côté brut de la matière qu'il sculpte et des êtres qu'il en fait émerger -- on est stupéfait par la taille disproportionnée des mains et des pieds de ses statues et par les poses tendues à l'extrême qu'il impose à ses modèles.
Je prolonge ma visite par une promenade dans les jardins de l'hôtel Biron, où je peux admirer le Penseur entre autres, et aussi la visite de l'hôtel en lui-même, dans lequel sont disposées les principales oeuvres de Rodin. En outre, la salle dans laquelle se trouvent les sculptures de Camille Claudel est particulièrement émouvante. Des bustes de Rodin qu'elle a produits y sont exposés -- ce dernier y apparaît sous différents angles : un angle "normal", type "bon père de famille" ; et un angle implacable, où son profil d'aigle et son visage d'une dureté impitoyable rejoignent certains portraits qui nous sont restés du sculpteur.
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