On n'est pas sérieux quand on est un Chico Mambo... Ou du moins c'est ce que voudrait nous faire croire la troupe, dans une succession rythmée de vingt tableaux détournant non seulement les classiques du ballet, tels ce Lac des Cygnes mué en danse des canards hip hop, ou encore les grandes icônes de la danse contemporaine (les pleureuses antiques en tuniques et perruques, référence à Pina Bausch), ou bien encore les grands rendez-vous de la danse populaire, tel Danse avec les stars.
Peut-on pour autant réduire le spectacle à l'exposé d'une vision ironique du monde de la danse dans toutes ses composantes ? Cela serait faire l'impasse sur l'inventivité propre de la compagnie, qui se vérifie à travers des séquences plus intimistes, comme celles du voltigeur au bout de sa corde, jouant de ses voiles qui tourbillonnent autour de sa silhouette tendue. Cela serait oublier aussi l'originalité des costumes qui font référence aux animaux (plumes ; laine ; fourrure, etc.) et aussi, plus généralement, au monde de l'enfance (voir le numéro des légumes qui tourbillonnent comme pris dans une cocotte-minute, des bébés en couche-culottes qui rampent et font des roulades sur le sol). Cela serait enfin oublier un certain propos social, lorsqu'il est question du regard que le grand public jette sur les danseurs (forcément homo ou bisexuels), séquence parlée qui vient conclure une démonstration de haka par un de nos six protagonistes à la fois rugbyman all-black et danseur tutu.
On le voit, le spectacle n'hésite pas à bousculer nos préjugés en nous livrant une vision originale du monde de la danse, de biais, à distance, tout en nous présentant des danseurs de grande qualité, tous excellents transformistes notamment lors des séquences transgenre où les hommes chaussent leurs talons aiguilles avant d'aller danser un tango endiablé, tout en jambes. Les spectateurs passent un excellent moment, entre étonnement, surprise et rire aux larmes, car avec les Chicos Mambo, danse et rire font bon ménage !
Un petit focus sur le chorégraphe et les interprètes :
- Philippe Lafeuille, chorégraphe, fondateur de la compagnie des Chicos Mambo en 1994. Sa carrière se développe sur deux axes : une grande exigence technique, d'une part, et une envie de briser les cadres établis, d'autre part, en vue de faire évoluer la vision de la danse en la rendant moins difficile, moins intimidante, quitte à abandonner l'idée d'une certaine pureté, faisant ressortir le caractère métissé de son inspiration dans un effort pour rendre la danse plus accessible ;
- Loïc Consalvo, le plus classique de nos six danseurs, issu de l'opéra de Lyon et des Ballets Trockadero de Monte-Carlo ;
- Anthony Couroyer : bien qu'il soit issu du cadre classique de l'Ecole de Danse de l'Opéra de Paris, on sent néanmoins les inspirations jazz/hip-hop/danse contemporaine qui l'ont également nourri ;
- Mikael Fau, issu du Centre de danse James Carlès de Toulouse ;
- Pierre-Emmanuel Langry, aussi bien acteur de théâtre que danseur accompli ;
- Julien Mercier, dont le talent de danseur se double de celui d'acrobate aérien ; et enfin
- Alexis Ochin, aussi à l'aise en tant que danseur, mime, marionnettiste et comédien (il a suivi la formation de l'Ecole internationale de Théâtre Lassâad de Bruxelles).